UFC-Que Choisir Clermont-Ferrand

L’AGRIBASHING N’EXISTE PAS !

Nos amis de l’UFC QUE CHOISIR de la Sarthe ont proposé une nouvelle approche de l’ « agribashing »,  réponse au battage médiatique dont certains membres de syndicats agricoles nous rebattent  les oreilles ces derniers temps.

C’est un concept de « victimisation », à l’allure de plaidoyer, initié il y a quelques mois par les syndicats agricoles majoritaires, destiné à masquer leur immobilisme et à mobiliser leurs troupes tout en leur faisant prendre des risques disproportionnés. Ce concept est repris par tous ceux qui profitent du système.

QUELQUES QUESTIONS

« Est-ce de l’agribashing que de ne pas vouloir être intoxiqués et de ne pas voir la biodiversité détruite par les pesticides de l’agricuglture intensive ? »

« Est-ce de l’agribashing que d’exiger le respect du principe pollueur-payeur et de ne pas continuer à payer pour la pollution diffuse agricole (surcout d’1,4 milliard d’euros par an pour les consommateurs-usagers pour avoir de l’eau potable)? »

« Est-ce de l’agribashing que de refuser la construction « sans réserve », sur fonds publics, de couteuses réserves d’eau pour quelques irrigants ? »

 LES FRANÇAIS APPRÉCIENT LEURS PAYSANS

 Les français estiment leurs agriculteurs, connaissent leurs difficultés et respectent leur métier, comme celui des acteurs des autres secteurs d’activité. Et les consommateurs ont accepté depuis de nombreuses années de subventionner de manière très importante la profession agricole.

Dans leur majorité, les agriculteurs sont compétents et capables de s’adapter. Ils l’ont prouvé en intégrant, pour beaucoup, les progrès techniques, y compris le numérique.

POURQUOI ONT-ILS DU MAL A CHANGER LEURS PRATIQUES?

A cause de ceux qui profitent du système et qui bloquent toute évolution souhaitable : syndicats majoritaires, fournisseurs de pesticides, dont les coopératives, contrôlées directement ou indirectement par ces syndicats majoritaires…

Ainsi, le troisième plan Ecophyto ne sera pas plus efficace que les deux premiers dont l’échec est flagrant. La séparation conseil-vente, voulue par le Président de la République, est devenue une coquille vide. Les sanctions pour non-respect du dispositif des certificats d’économie de produits phytosanitaires ont été supprimées. Ce dispositif est donc rendu inefficace !

MAIS QUE FAIT DONC L’ÉTAT ?

L’État fait fausse route en suivant ces lobbys et le mouvement de la dénonce d’un pseudo-agribashing orchestré, risquant ainsi d’opposer la population aux agriculteurs. Il doit aussi savoir réglementer quand l’enjeu l’exige.

En particulier, pour la Santé des consommateurs, il ne doit ne pas laisser le champ libre à des chartes-alibis, déséquilibrées, rédigées par les pollueurs, n’apportant pas plus que la réglementation qui est déjà à minima, sans contrôle et sans sanction prévue. Notre longue expérience d’association de défense des consommateurs nous a suffisamment prouvé l’absence d’efficacité des chartes,

PHYTO A QUI MIEUX MIEUX

Les plans se sont succédé au sein des agences de l’eau au bénéfice des agriculteurs qui devaient améliorer leurs pratiques culturales en diminuant les intrants. Nous avons eu les plans « Phyto mieux 1 », « Phyto mieux 2 », « Phyto mieux 3 » et on pourrait encore en ajouter pour un résultat pitoyable. Les aides, on les empoche mais les pratiques perdurent. Et cela au bénéfice des producteurs de produits Phytosanitaires tels que BAYER (propriétaire de Montsanto) ou d’autres producteurs de l’agro chimie qui n’ont aucun intérêt à tuer la poule aux œufs d’or. Alors on donne aux agriculteurs des éléments de langage pour parler de leurs pratiques culturales.

UN LANGAGE SIMPLE

Nous attendons des mots vrais, sans mise en scène, de la part d’hommes et de femmes qui parlent de leur métier et de leur rapport à la terre qu’ils travaillent. L’UFC QUE CHOISIR a, depuis longtemps, invité les agriculteurs à partager des objectifs communs.

Dans cet esprit, l’UFC-Que Choisir avait  élaboré une réforme de fond opérationnelle « Eau-Réconciliation 2015 » proposant le développement des mesures agroenvironnementales grâce à un circuit de financement vertueux : de l’argent est prélevé sur des modes de productions agricoles intensifs et polluants avant d’être redistribué à des productions favorisant la préservation de la ressource aquatique.

Le dernier rendez-vous, les assises de l’alimentation, ont été un échec.

La COVID ouvrira-t-il les yeux à des agriculteurs d’un syndicat majoritaire qui campe sur des positions intenables à long terme ?

 

26 mai 2020

EHPADS : LE MOIS LE PLUS LONG

Pendant six semaines, les personnes âgées hébergées en Ehpad n’ont pas eu le droit de voir leurs proches. Une décision prise pour les protéger mais qui a pu s’avérer contre-productive. Elle pose à nouveau la question de la considération accordée au grand âge dans nos sociétés.

« J’ai l’impression que ma mère est piégée dans une espèce de bunker. Rien ne sort, rien ne rentre, on ne sait pas ce qui se passe. J’ai un peu renoncé à l’idée d’arriver à la sauver, mais je voudrais au moins qu’elle sache qu’on est là et qu’on pense à elle, qu’elle ne meure pas abandonnée, toute seule. » Diffusé le 22 avril sur les ondes de France Info, ce témoignage poignant reflète un sentiment largement partagé : le nombre élevé de décès dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) est d’autant plus mal accepté que les familles n’ont pas pu rester auprès de leur proche les jours précédant sa mort (1).

DES MESURES TROP RADICALES

L’interdiction des visites dans ces structures d’accueil a, en effet, été décrétée dès le 11 mars. Une décision très douloureuse pour de nombreux Français, comme le prouvent les réponses à notre appel à témoignages, dont les deux courriels suivants illustrent la teneur générale. « Je trouve très difficile le confinement de mon papa de 95 ans en Ehpad. Il pleure souvent au téléphone. Les interdits de visite me semblent inhumains. Une visite par semaine, avec toutes les mesures “barrière”, pourrait être envisagée. » « Ma mère a 97 ans. Comprend-elle vraiment ce qui se passe ? Ne pense-t-elle pas, au fond d’elle-même, que nous l’abandonnons tous ? » Les verbatims recueillis, à la mi-mars, auprès de familles et de professionnels par l’Observatoire Covid-19, éthique et société sont semblables : « Peut-on interdire les visites de la famille, alors que chacune risque d’être la dernière ? » « Que faire quand des aidants venaient chaque soir faire dîner un proche dépendant, tandis que le personnel est en nombre insuffisant ? » « Nos malades ne vont pas mourir du Covid-19, mais d’isolement, de déshydratation, de malnutrition. »

Saisi par le ministère de la Santé sur le durcissement de ces dispositions dans les Ehpad et les Unités de soins longue durée (interdiction des visites puis confinement en chambre le 28 mars), le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) alerte sur les risques liés à ces mesures trop radicales, tant sur le plan moral que sanitaire : « Le respect de la dignité humaine, qui inclut le droit au maintien du lien social pour les personnes dépendantes, est un repère qui doit guider toute décision […]. Un renforcement des mesures de confinement [pour ces résidents] ne saurait être décidé de manière générale et non contextualisée […]. Le lien qui les rattache au monde extérieur est leur raison essentielle de vivre, les en priver de façon trop brutale pourrait provoquer une sérieuse altération de leur état de santé. » En conclusion, le CCNE appelle à l’adaptation de ces modalités aux spécificités de chaque établissement.

Mais ce n’est que trois semaines après la parution de cet avis, soit presque six semaines après l’annonce de la fermeture des Ehpad, que le gouvernement se décide à lever la mesure d’interdiction générale des visites. Pendant ce mois et demi, que s’est-il passé dans les établissements ? Les personnels ont souvent montré un dévouement exemplaire, comme en attestent plusieurs réponses à notre appel à témoignages. Les équipes ont fait ce qu’elles ont pu pour maintenir un peu d’animation. Des moyens ont aussi été mis en place pour pallier l’absence physique, notamment des appels vidéo. Mais ces derniers étaient souvent rares (1 à 2 fois 15 minutes par semaine). De plus, les personnes âgées ne sont pas toujours à l’aise avec ces modes de communication, la surdité et les troubles cognitifs n’arrangeant rien. Bref, rien ne remplace la présence d’un proche que l’on aime. Si bien qu’au fil du temps, de plus en plus de directions d’Ehpad ont alerté sur les syndromes de glissement apparus chez certains résidents. En clair, la solitude pesait tant sur eux qu’ils se laissaient mourir.

Des appels vidéo ont été mis en place pour pallier l’absence physique des proches. Mais rien ne remplace la présence des êtres que l’on aime.

UNE CRISE PRÉEXISTANTE

Pire, dans d’autres institutions moins exemplaires, la fermeture des portes a été le point de départ d’une période de black-out, un bon prétexte pour dissimuler la négligence dans l’application des dispositions sanitaires et l’attention portée aux résidents. Les plaintes déposées ici ou là par des familles en deuil pointent toutes cette opacité des directions. Dans plusieurs cas, des employés en ont témoigné : à l’intérieur de ces structures, l’interdiction des visites n’a pas permis d’éviter les décès dus au Covid-19, elle les a sans doute même favorisés.

Comme l’a fait remarquer le CCNE, cette situation dramatique dans les Ehpad a été révélatrice d’un manque de moyens préexistants. Non seulement le matériel a fait défaut (il a fallu un courrier, le 20 mars, des instances représentant les gériatres pour que le ministère de la Santé fournisse des masques) mais aussi les personnels. S’ils avaient été en nombre suffisant, ils auraient pu organiser et encadrer des visites sécurisées, en particulier dans les régions peu touchées et les établissements dont la configuration s’y prête. « Dans certains cas, cela aurait été tout à fait possible, estime Philippe Duboé, ancien directeur d’un groupe associatif d’Ehpad. Hélas, on est habitués à recevoir des injonctions des Agences régionales de santé (ARS) ou de l’État, qui ne font pas confiance aux initiatives locales. D’ailleurs, les professionnels sont épuisés, à cause de la charge de travail, et également parce que l’on ne les écoute pas. »

Le secteur traverse une crise profonde depuis plusieurs années : moyens financiers et humains insuffisants, pas d’attractivité pour les personnels… Les rapports se succèdent pour le constater, les responsables politiques, pour promettre le grand soir du grand âge, et rien ne se passe. D’où l’amertume des familles et des professionnels, comme Romain Gizolme, à la tête de l’Association des directeurs au service des personnes âgées : « Emmanuel Macron a promis des “décisions de rupture”. Prendre les mesures que l’État n’a pas prises depuis vingt ans dans ce secteur fait partie de celles à garder en tête pour le jour d’après… »

CERTAINS DÉCÈS AURAIENT-ILS PU ÊTRE ÉVITÉS ?

« Notre inquiétude demeure réelle quant aux risques persistants de décès évitables. » Telle est l’alerte qu’a lancée le Conseil national professionnel (CNP) de gériatrie, fin mars, au ministre de la Santé. Au sujet des résidents d’Ehpad touchés par le Covid-19, les médecins soulignent la nécessité de distinguer trois cas. Les personnes dont le pronostic vital n’est a priori pas en jeu et, à l’inverse, celles pour lesquelles l’issue fatale est certaine peuvent être soignées ou accompagnées en Ehpad. Mais il existe une situation intermédiaire : « Un résident suspect d’infection Covid-19 mettant en jeu son pronostic vital, mais pour lequel l’hospitalisation avec une prise en charge raisonnable représente un bénéfice réel. Ceux qui sont victimes de formes graves de Covid-19 ne peuvent en effet être pris en soins en Ehpad sans leur faire courir un vrai risque vital », par manque de soignants et de matériel adapté. « On a le sentiment que certains Ehpad ne recourent pas à l’hospitalisation quand ils le devraient, confie le Pr Claude Jeandel, président du CNP. Ils n’analysent pas correctement les situations, faute de personnel compétent. Un tiers n’a pas de médecin coordonnateur, et là où il y en a, son temps de présence est très limité. Dans trop d’Ehpad, on n’a pas les bons réflexes sanitaires. »

26 mai 2020